• Chapitre III: Le Grand Yama

    Chapitre III: Le Grand Yama



    Son sommeil avait été lourd comme du plomb, et c'est sans la moindre encombre qu'il avait passé la nuit. Comme à chaque matin, il s'était frotté les yeux en se réveillant, puis s'était tapoté les tempes pour être sûr d'être bien éveillé. Il s'était alors levé lentement pour se diriger vers le salon. Là, l'avait accueilli Kei, déjà en pleine forme et énergique, qui lui donna un bol de riz. Ce fut alors avec une joie non cachée que Ryusuke mangea son bol de riz, lui qui pensait qu'il était condamné à ne manger que des végétaux jusqu'à la fin de sa vie. L'affro lui expliqua qu'ils avaient une rizière à l'une des extrémités de la ville, grâce à un cours d'eau, qui était d'origine inconnue, mais qui était bien là, et c'était pour cela qu'ils pouvaient avoir du riz. Quel soulagement. Puis, la routine du matin se poursuivant, il demanda à son compagnon où étaient les douches. Kei lui avait alors répondu en rigolant que c'était le sceau d'eau froide dans le jardin, l'eau courante ne faisait pas partie des éléments de la vie moderne présents ici. Ryu alla donc prendre cette douche à l'ancienne, ne pouvant réprimer une grimace lorsque la froideur de l'eau entra en contact avec sa nuque, tout homme fort et courageux qu'il était. Une fois rhabillé, la routine du matin s'était terminée.
    Il revint dans le salon, où Kei l'attendait debout à côté de la porte, comme si il s'apprêtait à partir.

    " - Tout est bon pour toi? Alors, si tu n'as pas d'objections j'aimerais t'emmener quelque part aujourd'hui
    Il détestait jouer aux devinettes.
    - Ah? Euh...où ça?
    - Ah ah! Tu verras! "
    Ryusuke pensa intérieurement "va t'faire", mais bon, il allait pas recommencer à s'énerver pour rien, alors il se contenta de faire légèrement la moue avant de suivre finalement le joyeux luron à lunettes de soleil dehors.

    Dehors, le soleil battait son plein. Il leva la tête et vit un ciel bleu sans nuage, comme la veille d'ailleurs. Une question lui traversa alors l'esprit tandis qu'ils marchaient.
    " - Hum, dis moi kei, si nous sommes dans un autre monde, est ce que ce soleil que l'on voit est vraiment celui qu'on connait? Ou même est ce que c'est un faux?
    Kei haussa les épaules.
    - On en sait rien. Ici, on a pas apporté nos télescopes et nos satellites avec nous, alors on a aucun moyen de vérifier. J'imagine sans doute qu'on le saura jamais, mais bon, peu importe, un soleil reste un soleil. Qu'importe qu'il soit faux si il nous apporte de la lumière et de la chaleur, tu ne penses pas?
    Ryu acquiesça silencieusement. Effectivement... Ça allait de soi, personne ici n'avait dû prévoir de mourir, et encore moins de se retrouver ici, alors personne n'avait pensé à porter de quoi observer le ciel au moment de sa mort. Néanmoins, une autre question lui apparut dans l'esprit, à laquelle son compagnon pourrait répondre.
    - Et pour ce qui est des nuages? Hier, je n'en ai pas vu un seul dans le ciel, et aujourd'hui c'est toujours le cas. Est ce qu'il n'y a pas de nuages ici?
    - Oh, si si. Il y a bien des nuages de temps en temps, ils sont juste plus rares. C'est assez fréquent qu'on ait ce temps là, avec un ciel bleu et un soleil plombant. Mais il y a bien des nuages, on a même parfois de la pluie ou de l'orage. Ne t'inquiète pas!
    Bon, c'était au moins ça. Il restait encore plein de points qu'il aurait aimé éclaircir, mais il ne pouvait pas non plus passer son temps à bombarder son hébergeur de questions. En vérité, cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti autant empli de curiosité. Dans "le vrai monde", dans sa vie d’antan, il ne s'était jamais beaucoup posé de questions. Lutter pour survivre. Tuer pour ne pas être tuer. Suivre les ordres. Se battre. Il ne s'était jamais posé beaucoup de questions sur le monde qui l'entourait ou même sur lui-même.
    - Ce n'est pas que ça m'inquiète... C'est juste que..je suis curieux.
    - Oh, je vois. La curiosité est une bien grande qualité tu sais! "
    Il se contenta de répondre avec un petit sourire. Puis le silence se réinstalla.

    Il marchèrent ainsi pendant encore dix minutes, jusqu'à ce que Kei s'arrête enfin. Ils se retrouvèrent alors devant l'entrée d'un grand, et surtout haut, bâtiment, une sorte de grande tour, à l'architecture qui rappelait les grands temples. Était-ce là leur destination?
    " - Où est ce qu'on est?
    - Tu te rappelles quand je te disais que les agissements des personnes sont surveillés par un arbitre, qui décide lorsqu'il faut sanctionner quelqu'un?
    - Euh..oui.
    - Et bien c'est ici qu'il habite mon pote! C'est toujours bien que les nouveaux viennent le voir pour qu'il se souvienne d'eux.
    Kei entra dans le bâtiment, suivi de Ryu.
    - Son nom est Souichirou, mais tout le monde l’appelle le Grand Yama.
    - Pourquoi ce surnom?
    - Parce qu'il est vieux comme une montagne, et aussi en référence à la déesse Hindou du jugement. Mais c'est aussi surtout parce que ça sonne bien!
    Cela faisait un peu pompeux comme surnom pour une personne sensée être humble et partiale. Mais il ne fit aucun commentaire et se contenta de répondre bêtement.
    - Il est si vieux que ça?
    - C'est le plus vieux de tous ceux qui vivent dans cette ville, mais bien que ce ne soit pas le premier habitant, il en est pas loin, c'est donc aussi notre doyen.
    Le plus vieux, le plus sage, pourquoi pas. Kei monta alors des escaliers et indiqua à Ryu de le suivre.
    - Il est tout en haut de la tour, courage! Ce bâtiment est le plus haut de la partie habitée de la ville.
    - Ah? Il y a une partie inhabitée?
    - Oui. Si tu prends le sens inverse de celui qu'on a pris pour venir ici, tu finiras par arriver dans une vaste partie de la ville dans laquelle personne ne vit. Il y a des bâtiments encore plus hauts à ce qu'on dit.
    - Je vois. "
    Ils montèrent alors les longs escaliers, et cela leur pris plusieurs minutes. Mais quasiment tous les autres étages intermédiaires semblaient vides, c'était un peu de gâchis, et de place, et d'énergie. Mais ils arrivèrent finalement en haut. Là, il y avait une grande porte rouge joliment ornée. Elle était "gardée" par deux types, qui étaient actuellement de disputer une partie de Shogi sur une petite table à côté. Ils saluèrent Kei, qu'ils devaient connaître, puis le saluèrent lui plus discrètement, avant de leur faire signe d'entrer sans faire de manière. L'affro ouvrit donc la grande porte.





    Derrière la porte, il y avait une grande salle. Elle était plutôt sombre, éclairée seulement par quelque lanternes sur les murs, mais les tapis richement décorés et les quelques objets décoratifs suffisaient à faire comprendre que ce n'était pas la "pièce" de n'importe qui. Et là, tout au fond, assis en position Seiza, était un vieillard à la longue barbe, et au superbe haori. En effet, ses vêtements auraient pu être ceux d'un empereur du temps de l'empire Japonais tant ils était riches. Pas très loin à ses côtés étaient posés deux encensoirs, qui ajoutaient à l'atmosphère étrange de cette pièce, et, juste à côté de lui, à sa droite, était posé un katana rangé dans son fourreau. Etait-il en train de dormir? De méditer? Toujours est-il que ses deux yeux étaient fermés, et sa tête courbée vers le bas, et il n'avait pas fait un geste ni un bruit lorsqu'ils étaient entrés. Kei fit un signe de main pour inviter Rysuke à s'avancer vers le coussin qui était posé en face du fameux Grand Yama. Ryusuke se trouva un peu gêné, il ne savait pas vraiment si il était intimidé par l'aura du Yama, embarassé de réveiller le vieil homme ou bien simplement dérangé par l'atmosphère du lieu, mais il avançait doucement, et les quelques dizaines secondes qu'il mit à atteindre le coussin lui parrurent êtres des minutes entières.
    Finalement il s'assit sur le coussin, et c'est seulement à ce moment là que le vieil homme ouvrit les yeux. Son regard était étrange, presque intimidant, ses yeux était sombres et son regard sévère. Mais son visage couvert de rides ne trompait le fait qu'il devait avoir au moins quatre-vingt ou quatre-vingt-dix ans. Une large cicatrice sur sa joue droite montrait qu'il avait un passé pas forcément des plus joyeux. Les yeux intimidant le dévisagèrent pendant quelques secondes, puis une voix grave et rauque s'éleva.

    " - Est-ce un nouveau venu que tu t'amènes là, Kei?
    De l'autre bout de la salle, Kei répondit.
    - Tout à fait!
    Le Yama se ré-intéressa alors de nouveau à Ryu.
    - On me nomme le Grand Yama, tu peux m'appeler Yama pour faire plus simple. Je suis honoré de te rencontrer.
    Sur ces mots, il s'inclina respectueusement. Ryu l'imita alors, en répondant au salut, s'inclinant de la même sorte. Il connaissait ces coutumes là, et même en temps que Yakuza, son clan et lui avaient toujours mis un point d'honneur à les respecter.
    - Je suis Ryusuke Kohaku. Je suis également honoré de vous rencontrer.
    Les deux se redressèrent.
    - Je suis celui qui a pour rôle de juger quand les habitants de cette noble ville sont susceptibles de rompre l'équilibre qui y règne. Si tu as des questions concernant le fonctionnement de cette ville, je me ferai un plaisir d'y répondre.
    Cela rejoignait la définition que Kei lui avait fait du rôle de cet homme. Mais quand bien même, une question le taraudait. Il ne savait si il devait se montrer tout de suite franc avec un tel homme, mais il n'avait jamais été dans ses coutumes d'avoir la langue de bois.
    - Je me demandais seulement.. Comment déterminez vous les personnes qui agissent "mal", pour les juger?
    Le Yama le fixa un instant puis répondit.
    - Je les détermine en fonction de la manière dont leurs agissements peuvent briser l'équilibre de cette ville.
    Il n'avait pas vraiment répondu tel qu'il l'aurait aimé. Était-ce voulu ou non? Dans tous les cas, il pouvait toujours tenter d'être un peu plus franc.
    - Mais..sur quelle vision de l'équilibre vous vous basez? Je pense que vous n'ignorez pas que chacun peut avoir sa propre façon de concevoir l'équilibre.
    Le vieil homme resta silencieux un moment, le regardant droit dans les yeux, comme si il essayait de lire en lui. Puis il ferma les yeux, les rouvrit, et répondit finalement.
    - Je vois que ton esprit est affuté tel la lame d'un sabre, je n'en attendais pas moins de quelqu'un dont le regard est celui d'un tueur. Comme tu as pu t'en douter, je me base sur ma propre façon de concevoir l'équilibre. Mais n'aie crainte, je suis très sûrement le mieux placé pour savoir ce qui est le mieux pour cette ville et ses habitants.
    C'était bien ainsi qu'il se l'imaginait. Il ne pouvait pas se permettre de remettre en cause le sens de la justice de cet homme alors qu'il le rencontrait à peine, mais il n'arrivait pas à lui faire confiance, pour une raison inconnue. Il avait dit qu'il possédait le regard du tueur. C'était sans doute vrai. Mais il connaissait ce regard, et alors pourquoi le retrouvait-il dans les yeux de ce vieil homme? Mais il était inutile de continuer plus loin la conversation. Ainsi, il salua de nouveau respectueusement le Yama.
    - Je vous remercie de m'avoir reçu et écouté mes questions. J'imagine que nous aurons de nouveau l'occasion de parler. "
    A cela, le Yama salua d'un hochement de tête. Ryu se releva puis revint vers Kei, qui ne posa pas de questions et poussa la porte pour ressortir de la pièce silencieusement.

    Ils sortirent du bâtiment sans prononcer mot, et ce n'est que dehors que l'affro prit enfin la parole.
    " - Alors tu l'as trouvé comment??
    - Il est vieux, mais étrange.
    - Il fait souvent cet effet là aux nouveaux, ne t'inquiète pas!
    Une question lui traversa l'esprit, à laquelle Kei avait peut être une réponse.
    - Est ce que par hasard tu connais quelques éléments sur le passé de ce vieux?
    - Le Yama? Oh, je sais juste qu'il était dans l'armée Japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale. Je sais aussi qu'après la fin de la guerre, il n'a pas été capable de digérer la défaite et se sentait profondément humilié par l'occupation des américains. Après avoir fait profil bas, il n'a pas sur résister et s'est attaqué à un soldat américain, mais a fini par se faire tabassé à mort par les collègues de celui-ci. Pas une mort très joyeuse si tu veux mon avis.
    Ah..un ancien militaire, ça expliquait pourquoi il avait le regard du tueur tout comme lui. Peut être qu'il se faisait trop de films après tout à propos de ce vieux.
    - C'est sûr...
    - Du coup, il fait parti de ceux qui ne souhaitent pas quitter cette ville, et désirent simplement y rester jusqu'à la mort. Le "monde originel" ne l'intéresse plus, il ne veut plus y retourner.
    - Je vois. Merci de l'info.
    - Y a pas de quoi mon pote!
    Alors qu'il cherchait quoi dire, sa réflexion fut coupée par un grand bruit de cloche qui resonna dans toute la ville. Ryu regarda tout autour de lui à la recherche d'une éventuelle cloche.
    - C'était quoi ça??
    - Oh, c'est vrai tu n'es pas encore habitué. Ce son de cloche résonne à chaque fois qu'un nouvel arrivant débarque ici. D'ailleurs c'est vraiment la première fois qu'on a deux arrivants deux jours de suite, vu que t'es arrivé que hier. Avec un peu de chance, on tombera sur ce nouveau venu. Mais sinon, t'inquiète pas, y a tout un tas de gens qui sont accueillants avec les nouveaux.
    - Oh, ok. "
    Ainsi se conclut la surprise générée par ce petit évènement imprévu, et ils prirent alors le chemin du retour pour rentrer. Ryusuke se demandait ce qu'était en train de ressentir le nouveau qui venait d'arriver, et qui il était. Il en vint alors à se demander quelles pouvaient êtres les histoires de tout ceux qui vivaient ici. Est ce qu'il y en avait beaucoup qui étaient morts violemment comme lui ou le Yama? Ou est ce qu'il y avait plutôt des gens morts de manière plus "normale" comme Kei? En tout cas, ce qui était sûr, c'était qu'il n'allait sûrement pas s'amuser à demander à tous les habitants...
    Mais trêves de digression, il s'était réveillé tellement tard que la journée était bien entamée, et en plus, la visite du Yama leur avait pris plus de temps de qu'il ne l'aurait imaginé. Mais quel était ce sentiment de malaise qu'il éprouvait? Pourquoi est ce qu'il ressentait qu'un autre évènement allait se produire en ce jour?


  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Juin 2015 à 22:38

    Pourquoi j'ai senti une odeur d'encens quand j'ai lu ton chapitre ? e.e

    2
    Samedi 6 Juin 2015 à 22:41

    L'essence des mots est si puissante qu'elle dégage le parfum de l'encens -o-

    3
    Samedi 6 Juin 2015 à 22:45

    #drogue

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