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Chapitre II: Prisonnier
Chapitre II: Prisonnier
Un silence de mort régnait.
Le face-à-face absurde entre le moucheron et la horde de loups se prolongeait sans raison particulière. Pour le jeune garçon, cette scène ressemblait en tout point à une rencontre avec la Mort en personne, tandis que pour les cavaliers, cette rencontre devait être d'un ridicule incroyable. Et pourtant, personne ne bougeait.
Einir remarqua alors que celui qui le regardait droit dans les yeux, le plus en avant de tous, était le seul à porter une amure à lamelles de métal, tandis que les autres ne portait visiblement qu'une armure de cuir. Il devait à priori être le chef. La majeure partie du choc était passée, et le prolongement de ce face-à-face l'aida à retrouver un esprit lucide pour réfléchir correctement. Il devait fuir. Alors, voyant que la terreur quittait progressivement les yeux du garçon, le chef prononça quelques mots dans une langue incompréhensible à l'attention d'un de ses guerriers. Celui-ci, se contentant de hocher la tête en réponse, descendit de son cheval, et commença à marcher d'un pas tranquille vers Einir.
Le jeune Lodrien comprit alors ce qu'il se passait et il en déduisit immédiatement la meilleure chose à faire: courir. Alors, puisant dans ses frêles muscles une force qu'il n'aurait pas soupçonné, il commença à fuir à vive allure dans le sens opposé. Mais, de toute évidence, c'était peine perdue, car après avoir tiré une grimace assez explicite, le barbare aux yeux fins le pourchassa. Évidemment, la différence de longueur de jambes et de muscles eut tôt fait de décider de l'issue de la course, et Einir, voyant que tenter de fuir était vain, se jeta sans réfléchir dans la première habitation qu'il croisa. Il se trouva alors dans une modeste chaumière au parfum chaleureux et au mobilier simple et rustique. Mais l'heure n'était pas à l'observation. Il vit une petite trappe dans le sol, et s'empressa de l'ouvrir et de se laisser tomber, avant que son poursuivant ne pénètre dans la demeure.
Il regretta aussitôt de s'être laissé tomber lorsque ses pieds touchèrent le sol et qu'une vive douleur se propagea dans ses genoux: il avait sous-estimé la profondeur. Mais fort heureusement, il était encore capable de marcher. Cependant, la trappe s'étant refermée, il était à présent dans le noir total et ne voyait strictement rien. Alors Einir tendit l'oreille, pour entendre le pas lourd du barbare sur le sol de l'étage supérieur. Qu'avait-il pensé en se ruant dans cette cave? Avait-il vraiment la moindre chance de tromper son poursuivant? La réponse vint très vite, lorsqu'une fente de lumière apparut, puis s’agrandit pour révéler le visage de l'ennemi. Celui-ci était chauve, mais possédait une épaisse barbe noire, tressée à plusieurs endroits. Il avait également de la peinture rouge sur son visage. Il représentait à peu près l'image qu'Einir s'était toujours faite des barbares, à l'exception que celui-ci avait la peau matte et les yeux fins. Se rendant compte qu'il perdait du temps à observer le visage de son poursuivant, le jeune garçon profita de la lumière pour repérer dans son environnement restreint toute chose qui pourrait l'aider. Il repéra alors une fourche appuyée sur un coin du mur, et bien que n'ayant jamais utilisé un tel objet auparavant, il s'imagina soudain la capacité de s'en servir pour occire celui qui venait pour le tuer. Ce dernier venait justement de descendre, et eut un air surpris en voyant un jeune gamin pointant une fourche vers lui. Einir fonça alors vers l'homme, qui s'avérait de stature assez impressionnante, la fourche en avant, pour l'empaler. Cependant, le scénario idéal qu'il s'était imaginé se trouva un peu perturbé lorsque le géant se contenta de dévier son assaut d'un mouvement de main, avant de lui prendre l'arme des mains et la jeter plus loin. Cette fois-ci, il était clairement dans une situation critique, et il déglutit en se rendant compte que le barbare lui barrait la sortie. Alors, il tenta sa dernière arme: la morsure. Se jetant sur la main qui s'approchait pour le saisir, il mordit à pleine force le premier doigt qui vint à sa portée. Il espérait que la douleur infligée lui ferait gagner suffisamment de temps pour fuir. Cependant, son adversaire n'eut pas la moindre réflexion, esquissant au mieux une grimace d'irritation, avant de lui coller une gifle monumentale qui l'envoya directement au sol.
Einir poussa un cri de douleur et se frotta la joue. Heureusement qu'il avait l'habitude de subir de tels traitements par son ancien maître, mais la différence de force était tout de même notable. Mais alors qu'il voulut se relever, se préparant à affronter sa mort avec bravoure, il sentit un choc sur sa nuque, puis tout devint noir.
Il reprit ses esprits. Il se sentait secoué dans tous les sens, et sa nuque lui faisait mal. Einir voulut se frotter le cou, mais il se rendit compte alors que ses mains était attachées dans son dos, et qu'il était dans une position des plus inconfortables, comme si il avait été posé comme un fétu de paille sur une surface très instable. Alors il ouvrit les yeux, pour découvrir la vision d'un paysage qui défilait à toute vitesse. Ne comprenant pas ce qu'il se passait, il tenta de tourner la tête pour comprendre où il était. Alors il comprit: il était sur le dos d'un cheval, juste derrière un cavalier: il avait été capturé, et voilà qu'on l'emmenait vers une destination inconnue. Il se rappela alors dans le pire moment possible de la discussion de son maître et son invité, où ils avaient notamment dit que les barbares de l'Est dévoraient les enfants. Un sentiment de panique l'emplit. Il voulut se tortiller dans tous les sens pour tomber du cheval, mais cela n'y faisait rien. Alors il cria.
" LAISSEZ MOI DESCENDRE! RELÂCHEZ MOI!! "
En guise de réponse, la tête du cavalier se retourna vers lui, et il reconnut son poursuivant chauve et barbu, celui qui l'avait assommé. Il se contenta de le fixer dans les yeux avec une expression totalement neutre.
" LAISSEZ MOI TRANQUILLE ESPÈCE DE BARBARE PUANT! RAMENEZ MOI AU VILLAGE!! "
Alors, le barbare parla pour la première fois, dans un lodrien approximatif, et avec un fort accent qu'il n'avait jamais entendu jusqu'alors.
" Notre chef, il épargner ton vie. Alors tu rester tranquille, ou mon cheval il piétiner toi. "
Bien que la syntaxe était affreuse, Einir comprit largement la menace énoncé par le cavalier, suivit par un regard noir terrible qui lui coupa toute envie de crier une nouvelle fois.
Alors il se tut et se contenta de se laisser balloter par les mouvements du cheval. Le trajet dura ainsi encore un peu plus d'une heure, suite à quoi, il aperçut au loin des centaines de points blancs. En s'approchant, il se rendit compte que ces points blancs étaient en réalité des tentes. Le convoi des cavaliers finit par s'arrêter, et il sentit un bras musclé le soulever et le porter comme une vulgaire cargaison. Trop dépaysé par la situation, il ne trouva pas l'énergie de se débattre, et se laissa porter jusqu'à une tente, dans laquelle il fut déposé de manière étonnamment délicate. Mais avant qu'il ne puisse prononcer mot, son agresseur quitta la tente, le laissant seul. Il se rendit compte alors que l'intérieur était beaucoup plus spacieux que ce qu'il aurait imaginé, et beaucoup plus chaud. Il y avait un certain nombre d'objets qui décoraient l’intérieur, des armes, quelques objets qui semblaient précieux, et d'autres dont il n'avait jamais vu rien de semblable.
Alors quelqu'un rentra dans la tente, mais cette fois ce ne fut pas le barbare colossal aux peinture de guerres, il reconnut celui qu'il avait identifié comme le chef: cheveux longs légèrement frisés, certains tressés, de nombreuses cicatrices, une barbe noire, et une expression terrible. Sans prononcer mot, le chef alla s'asseoir sur une espèce de chaise, puis le fixa dans les yeux, semblant attendre que le jeune garçon brise le silence, ce qu'il finit par faire.
" Qui êtes vous??
Son interlocuteur eut un léger sourire narquois put répondit dans un lodrien parfait avec seulement un léger accent; avec une voix grave, imposante mais étrangement chaleureuse.
- Je pense que tu n'es actuellement pas celui qui est en position de poser des questions, tu ne penses pas? Alors, je vais te retourner la question: qui es tu gamin?
Il se leva péniblement, les mains toujours attachées, et bien qu'il aurait eut envie de simplement lui cracher à la face, son instinct de survie lui commanda de répondre sans faire d'histoire.
- Je..je suis Einir, un esclave lodrien.
Il parut surprit.
- Einir? Je pensais que tous les prénoms des Lodriens finissaient en "us" ou quelque chose comme ça.
Même si il n'avait pas totalement raison, il avait raison de penser que son nom avait un consonance étrange, il n'était pas le premier à faire la remarque. Mais après tout, il n'avait aucune idée de qui étaient ses véritables parents.
- Main..maintenant, dites moi qui vous êtes!
- Du calme, du calme, jeune homme, je vais te répondre.
Il se leva alors de son siège pour le dominer de toute sa hauteur.
- Nous sommes les Khuuni, et mon nom est Attlai.
Il n'avait jamais entendu le nom "khuuni", son maître avait parlé d'un peuple qui venait de l'Est mais n'avait énoncé aucun nom.
- Les..khuuni?
- Oui. Tu n'as peut être jamais entendu parler de nous, et c'est bien possible car nous venons de fort lointain.
- Je..je vois.
Le silence s'installa. Einir avait du mal à soutenir le regard imposant de l'homme nommé Attlai.
- V..vous êtes le chef des Khuuni?
Le concerné choisit de rasseoir, pour quitter ce jeu de subjugation par le regard.
- Non, je ne suis que son héritier. Mais mon père n'est plus capable de commander des guerriers, alors tu peux considérer que je suis le chef en effet.
Il posa alors la question qui lui brûlait les lèvres.
- Vous...allez me tuer?
Son interlocuteur parut surpris.
- Te tuer? Alors que nous nous sommes donné la peine de t'amener jusqu'ici?
- Alors..pourquoi vous m'avez amené ici? Pourquoi... Pourquoi vous ne m'avez pas tué??
- Tuer..tuer..l'on dirait que tu n'as que ce mot à la bouche. J'ai décidé de t’épargner, car j'ai eu pitié de toi en te voyant seul dans ce village vide de toute sa population, comme si tu avais été abandonné par les tiens. Et puis, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de faire des morts lorsqu'on peut s'en passer, tu ne penses pas?
Il voulut lui dire qu'il n'avait pas vraiment été abandonné, mais il présumait que ça n'avait pas beaucoup d'importance, alors il ne rajouta rien à ce propos.
- Euh..oui, surement. Mais..qu'est ce que vous allez faire de moi?
Le chef des Khuuni parut réfléchir sincèrement à sa question.
- Hum..je ne sais pas vraiment encore. Mais tu es mon prisonnier à compter d'aujourd'hui, tu devrais te préparer au fait que tu ne reverras sans doute jamais les tiens.
- P..prisonnier.. "
Il se demanda quelle différence il y avait réellement entre un prisonnier et un esclave. Il ne savait pas vraiment ce qu'être prisonnier impliquait, aussi se contenta-t-il de répéter bêtement le mot, oubliant pour le moment que ces barbares étaient accusés de manger les enfants. Il repensa à la dernière phrase "tu ne reverras sans doute jamais les tiens". Est ce que cela voulait dire qu'il ne reverrait jamais Livia et Thalia? Non, il ne préférait il penser. En vérité, son esprit était inondé de bien trop d'informations pour en déduire un quelconque information claire.
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